5 juillet 2017

RebusFest : un weekend à Edimbourg avec Ian Rankin pour les 30 ans de l'inspecteur Rebus





Tout ça ne nous rajeunit pas ! Et pourtant, ces quelques jours passés à Edimbourg pour rendre hommage à l'inspecteur John Rebus et à son créateur Ian Rankin témoignent d'une vitalité peu commune de l'un comme de l'autre. Le festival était annoncé depuis le mois d'avril, et pratiquement toutes les manifestations étaient complètes plusieurs semaines avant le début du festival. La ville d'Edimbourg était donc investie par des "fans" venus d'un peu partout, aficionados de toujours ou novices enthousiastes: c'est donc dans une ambiance toute particulière que s'est déroulé mon "pèlerinage" annuel à la capitale écossaise, qui n'a rien perdu de son charme ni de son éclat...


Le cas Rebus est probablement unique dans le monde de la littérature policière contemporaine. Jamais aucun enquêteur n'a autant symbolisé sa ville, jamais aucun auteur n'a donné de son pays et de sa capitale un portrait aussi fascinant et complexe, dépassant largement le cadre des enquêtes que Rankin continue à concocter  avec un savoir faire inimitable, et pas l'ombre d'un signe de lassitude. Au bout de trente ans, voilà qui n'est pas commun, et qui explique probablement la nature pratiquement sentimentale de l'attachement que les fans de Ian Rankin portent à leur auteur préféré. Et je sais de quoi je parle!


Queen's Hall
Les festivités ont commencé vendredi soir au Queen's Hall avec une rencontre musicale. Les lecteurs de Rankin savent à quel point la musique est importante pour lui comme pour son personnage préféré.  Ian Rankin a donc décidé, pour cette première soirée, de lui faire la part belle. La soirée a commencé par un entretien au cours duquel il a expliqué comment la musique lui permettait de transmettre à la fois la personnalité de ses personnages et... la sienne propre. Avec un John Rebus attaché à un rock plutôt traditionnel et à des chanteurs comme Van Morrison, et une Siobhan plus jeune, qui écoute dans sa voiture le dernier album de Mogwai, Ian Rankin parvient ainsi à transmettre ses propres passions, au travers de musiciens comme John Martyn - à qui il a emprunté le titre de son dernier roman, Rather be the Devil  - , son ami Jackie Leven, disparu lui aussi il y a peu, qui lui avait inspiré le titre de Standing in Another Man's Grave et celui de Saints of the Shadow Bible. Il suffit d'ailleurs de se remémorer les titres originaux de ses romans pour y retrouver les Stones (Black and Blue), The Associates (Even Dogs in the Wild), The Cure (The Hanging Gardens), etc. La rencontre était ponctuée de performances musicales, avec la chanteuse écossaise Kirsty Law et le groupe Blue Rose Code, dont le chanteur rappelle étrangement, par son phrasé, le grand Van Morrison. Le duo My Darling Clementine a également interprété des chansons signées Jackie Leven.  Emotion garantie...





Le lendemain, c'est à la Edinburgh Film House, le lieu où se tient, entre autres, le festival de cinéma d'Edimbourg,  que Ian Rankin avait donné rendez-vous à ses fans, pour la projection d'un film télé, Reichenbach Falls, réalisé par John McKay, dont le scénario, écrit par James Mavor, est basé sur une nouvelle de Ian Rankin. 



L'Inspecteur Buchan (sic, interprété par le formidable Alec Newman), vient de se faire plaquer par Clara, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il le prend mal... D'autant qu'elle l'a quitté pour le romancier à succès Jack Harvey (pseudo utilisé par Ian Rankin pour ses romans "hors série"), ex-copain de fac de Buchan. Ce dernier travaille sur une enquête qui va le ramener un siècle en arrière, dans les bas-fonds de la ville... Et bien sûr, ce n'est pas tout à fait un hasard si le film s'appelle Reichenbach Falls : on se gardera bien d'oublier qu'Edimbourg est aussi la ville natale d'un certain Arthur Conan Doyle, qui va jouer un rôle déterminant dans cette histoire troublante, au suspense efficace, qui se permet quelques incursions du côté du fantastique, et qui pose joliment la question de l'auteur et de sa créature. De magnifiques images de la ville, qui, il faut bien le dire, est particulièrement photogénique, achèvent de conférer à ce film, réalisé avec un budget réduit, un charme confondant...  


Le soir, c'est aux Assembly Rooms que se déroulait l'événement baptisé "Making a Detective", qui réunissait Ian Rankin bien sûr, mais également le spécialiste de Sherlock Holmes Owen Dudley Edwards, Tom Wood, auteur d'un ouvrage consacré aux célèbres meurtres de World's End, fait divers qui défraya la chronique en Ecosse en 1977 avec l'assassinat de deux jeunes filles qu'on a vues pour la dernière fois au moment où elles sortaient du World's End Pub d'Edimbourg. Une enquête longue, tortueuse, bourrée d'erreurs et de maladresses, qui finira par aboutir à l'arrestation de Angus Sinclair, qui s'avèrera être un véritable serial killer... Invitées également, le Superintendent Sara Buchanan de la police écossaise ainsi que Dame Susan Black, professeur d'anatomie et d'anthropologie légale à l'Université de Dundee. Il a été question de l'inspiration de Ian Rankin, de sa vision de l'Ecosse et de l'évolution de son personnage, mais également des mutations des techniques d'enquête et de l'organisation de la police. 

Enfin, le joli petit musée des écrivains (Writers' Museum), niché dans un passage tortueux en retrait du Royal Mile, rendait son hommage particulier à Ian Rankin avec une exposition exceptionnelle de pièces appartenant à l'auteur, ou liées à sa carrière. Le musée propose également des sections passionnantes sur RL Stevenson, Walter Scott et Robert Burns, et mérite largement le détour. 

Le manuscrit du premier Rebus, Knots and Crosses, tapé à la machine électrique. "A l'époque, je faisais mes corrections au crayon et au stylo. J'étais étudiant, et les photocopies coûtaient une fortune. Je ne possédais qu'un original et une photocopie..."

La première traduction de Knots and Crosses a été publiée au Danemark par Klim. "Je suis resté fidèle à mon éditeur, mais les couvertures ont un peu changé..."
Enfin, le week-end a été émaillé d'autres manifestations  (dégustations de whisky, promenades sur les pas de Rebus, quiz,...)

Après un tel marathon, il ne manquait plus que - cerise sur le gâteau - une journée à la plage (je ne plaisante pas).



Ian Rankin sera l'invité d'honneur du Festival de Harrogate, dans trois semaines. Inutile de dire que j'y serai aussi, bien sûr, pour notre interview annuelle. Après un tel week-end, les questions ne manqueront pas...

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