21 juin 2017

Chuck Palahniuk, "Le Purgatoire": Madison au pays des horreurs

Revoilà Mademoiselle Madison Spencer, jeune morte assassinée de son état. Et elle va faire tout ce qu'il faut pour mettre un bazar sans nom dans le monde des vivants... Les fans de Chuck Palahniuk reconnaîtront tout de suite Madison, puisqu'on a fait sa connaissance dans Damnés, sorti en 2014 chez Sonatine. A l'époque, Madison était en enfer, où elle côtoyait toutes sortes de personnages plus célèbres les uns que les autres, rock stars, stars de cinéma et du show bizz échouées là suite à une vie de dépravation et d'excès. Que diable faisait une fillette de 13 ans dans ce lupanar des damnés ? Qu'à cela ne tienne, dans Le Purgatoire, Palahniuk en extrait Madison pour la parachuter dans le monde des non-morts, où elle va poursuivre sa quête. Elle ne va pas être déçue du voyage, et nous non plus.


 
Tout le roman est écrit sous la forme de billets de blogs que Madison adresse à ses followers sur Twitter. Heureusement que Palahniuk n'a pas choisi la forme des tweets, car avec 140 caractères par chapitre, ça n'était pas gagné. Du coup, le livre avance par à-coups, et Palahniuk fait preuve de suffisamment de malice pour nous laisser croire nous autres pauvres lecteurs vivants, que c'est nous qui faisons le lien. Alors qu'en réalité, comme d'habitude, il nous mène par le bout du nez et nous promène dans l'entourage de Madison, sa mère la star et son père le producteur, sans oublier ses grands-parents du Nord de l'Etat de New York, Tipépé et Mamie Minnie. Ah, le nord de l'Etat de New York. 

C'est là, pendant le séjour de Madison chez ses grands-parents, que va se dérouler la scène fondatrice de sa vie - ou plutôt de sa mort. Et je vous prie de croire que pour cette scène-là, Chuck Palahniuk n'y va pas avec le dos de la main morte. Inutile d'insister, vous n'en saurez pas plus, hormis que je vous conseille d'avoir l'estomac bien accroché lorsque vous y parviendrez. Pendant ce temps-là, dans le vaste monde, les humains font n'importe quoi, comme d'habitude. Et les parents de Madison ne sont pas pour rien dans l'avènement d'une foi nouvelle : le Porcisme.  Une croyance qui se manifeste de façon curieuse : tous les croyants passent leur vie à s'insulter mutuellement, c'est la course à l'inventivité, à qui aura trouvé l'insulte la plus répugnante... Tout cela avec le sourire, et en toute fraternité bien sûr.

Le roman tout entier est une folle épopée où Palahniuk manipule allègrement les mythologies d'ailleurs et de partout, tout en créant la sienne propre. Palahniuk, on ne s'en étonnera pas, se lance dans des jeux de langage savoureux - on rendra au passage hommage à la traductrice -, dans des délires onomastiques incongrus, et réussit à faire de cette petite peste de Maddy une héroïne culte... Les aventures de Maddy la jeune morte et revenante nous font rebondir sur un trampoline d'émotions, d'incrédulité en horreur, en un voyage ponctué de rires sardoniques, d'humour grinçant, de métaphysique délirante et de visions tantôt apocalyptiques, tantôt pitoyables du monde où nous essayons de vivre. Le final du roman, dantesque, témoigne d'une imagination sans bornes, animée par un mélange détonnant de colère, de tristesse face au sort que se font les hommes, de révolte et de folie salutaire.  Et quand le diable s'en mêle...

Chuck Palahniuk
, Le Purgatoire, traduit de l'américain par Héloïse Esquié, Sonatine éditions

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